<—— Agences de notations, impossible mission
Lors de nos précédents écrits sur les agences de notation nous nous sommes efforcés de démontrer que leur mission, telle qu’elles l’ont pratiquée jusqu’à aujourd’hui, était simplement impossible. Echecs répétés, crise de confiance, perte de crédibilité, fonctionnement cruellement opaque … autant d’ingrédients qui rendent le cocktail final irrémédiablement explosif ! Explosif pour qui nous dirait un lecteur averti. Explosif pour l’économie, la finance, le capitalisme, vous, nous … tout le monde en définitive, malheureusement …
Et c’est bien là le cœur du problème. Les agences de rating ont une place d’une extrême importance dans la finance moderne. Elles sont d’une certaine façon les colonnes du temple de la finance mondialisée : supports sans lesquels tout l’édifice de la finance internationale pourrait s’affaisser au moindre coup de vent. Or le vent se lève de plus en plus en Occident. L’ouragan n’est pas encore là, n’en déplaise aux plus pessimistes d’entre nous. Toutefois nous ne sommes pas très loin d’une nouvelle tempête qui pourrait faire vaciller pour de bon cette construction déjà chancelante à plus d’un titre.
Nous l’avons dit et nous le répétons une nouvelle fois : les agences de notation ne peuvent pas remplir leur mission car la tâche à accomplir est insurmontable dans les conditions actuelles de leur fonctionnement. Preuve en est : tous les errements et autres erreurs répétées machinalement au fil des années, qui sont gravés à jamais sur la face des Fitch Ratings, Moody’s et autre Standard & Poor’s. Se muer en Oracles de la finance, aux commandements auto-réalisateurs ne changera rien. Les faits sont là. Les preuves sont irréfutables. Le constat est amer mais malheureusement indiscutable. Le système actuel ne fonctionne pas. Il n’a jamais fonctionné. L’aveugle se proclamant roi des cieux restera aveugle quoi qu’il fasse ! Et ce n’est pas en lui donnant des lunettes qu’il se remettra à voir convenablement, malheureusement … encore une fois. A ce sujet nous pourrions blâmer longuement les autorités politiques et autres autorités de régulation qui sont principalement fautives quant à la place qu’occupent dorénavant ces agences de rating. Mais nous ne le ferons pas ici. Chaque chose en son temps.
Nous avions également vu lors des articles précédents que les agences de rating n’ont jamais été les sentinelles qui devraient, en temps normal, avertir et protéger la ville des dangers qui la guettent. Elles tiennent plus de vigies pyromanes qui souffleraient sur le feu, ce même feu qu’elles n’auraient pas su empêcher. Tout cela ayant comme conséquence irrémédiable de catalyser d’autant plus les crises financières et de ce fait économiques du capitalisme financier moderne. Le constat étant maintenant solidement établi et renforcé gravement par cette dernière observation, que faire ? A chaque problème, une solution au moins !
Prenons le luxe de faire le tour des solutions qui ont été proposées par certains et reprises dans nos grands journaux. Nous débattrons ici uniquement des deux grandes propositions qui ont été formulées et que nous résumons par ces mots : Plus de concurrence entre les agences de notation, pour une meilleure répartition des rôles et de la notation / Création d’une agence régionale et européenne de la dette.
1) Ouvrir le marché de la notation à plus de concurrence
Ne prenons pas la peine de nous attarder trop longuement sur le pourquoi du comment de cette proposition. Les personnes soutenant cette solution voudraient instaurer une concurrence plus acharnée entre les agences de rating. La cause du non fonctionnement du système tiendrait uniquement au fait que le marché mondial de la notation serait exclusivement aux mains des 3 grandes agences de notation, Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s. Or ces 3 acteurs de la notation financière auraient le mauvais réflexe d’orienter leurs notations dans le même sens. En fait, le reproche énoncé ici est le même que celui pleinement entendu au sujet du travail des analystes financiers ou boursiers. Ces derniers préfèrent avoir tord tous ensemble plutôt que prendre le risque de se tromper tout seul face à la majorité. Et oui c’est toujours bien plus simple de se confondre dans la masse majoritaire. Toutefois nous voyons d’emblée l’échec d’une telle solution.
Ce n’est pas en ouvrant davantage le marché de la notation privée et publique au niveau international à plus d’acteurs privés que le problème va se résoudre de lui-même, bien au contraire. Imaginons un seul instant que nos Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s n’étaient plus au nombre de 3, mais au nombre biblique de 7. Qu’est ce que cela changerait-il fondamentalement ? Ne prenons pas de gants pour répondre à cette question. Rien, strictement rien.
Il y a fort à penser que le monde des acteurs privés de la notation restera toujours autant opaque. Souvenez-vous du sacro-saint principe de la propriété intellectuelle. Une agence de rating décerne ses notations grâce à une méthode d’évaluation qui lui est propre. Or cette méthode de notation est strictement confidentielle pour la simple et bonne raison que c’est l’unique cœur du business dune agence de rating. Si nos 7 agences de rating pratiquaient leur évaluation dans le même secret et flou que les 3 d’avant alors l’affaire ne changera pas d’un iota. De plus il est difficile d’imaginer qu’une de nos 7 agences de rating agiraient de manière différente des 6 autres. Nous disons ici que la façon de faire des agences de notation est soumise à un principe simple et entendu depuis fort longtemps : le principe moutonnier. En effet elles agiraient probablement de la même façon qu’auparavant. Elles pratiqueraient toutes l’arme de destruction massive de la fameuse « perspective négative» sans durée définie. En d’autres termes il nous parait évident qu’au nombre de 3 ou de 7 elles agiraient à l’identique. Souvenez-vous des analystes financiers. Ils pratiquent bien souvent les mêmes analyses car ils ont quasiment toujours les mêmes critères d’évaluation. Il en résulte qu’ils ont trop souvent tord tous ensemble et rarement raison seul contre tous.
En définitive rien de bien concluant résulterait de l’ouverture à plus de concurrence du marché de la notation internationale. Il y aura certes, une meilleure répartition du marché. Mais cela ne bousculerait en aucun cas le mode de fonctionnement des agences de rating. Elles resteraient d’autant plus clémentes envers leurs clients pour les garder sous le coude. Ou à l’inverse, peut être qu’une d’entre elles serait tentée de faire un coup de poker en faisant quelque chose d’insensé, dans le but de faire le buzz … Mais qu’importe, sans changer leur structure et leur mode de fonctionnement rien ne changera. Puis osez imaginer un instant la crise grecque avec, non 3 agences de rating à la baquette mais 7 ou plus ! Dégradations sur dégradations … les traders n’auraient plus aucune journée de repos. A chaque nouvelle séance son nouveau coup de tonnerre, sa nouvelle dégradation appelant de ses vœux d’autres dégradations provenant d’autres agences de notation … le cauchemar absolu. Trois rois aveugles valent largement sept autres rois aveugles, c’est-à-dire strictement rien !
Malavan