Lundi 20 Avril : vers 20h un vent de panique souffle sur le marché du pétrole, le contrat future du WTI (West Texas Intermediate) passe en territoire négatif. Comment cela est il possible ?
Avant de comprendre le mécanisme qui a porté les prix du baril de brut américain à ce niveau, il faut savoir comment fonctionne le marché du pétrole.
Pour investir sur le pétrole, les opérateurs achètent un contrat à terme appelé contrat future. Ce contrat permet d’acheter des contrats à l’achat (call) ou des contrats de vente (put). Lorsqu’un opérateur achète un contrat call, il achète par avance un volume de pétrole pour une échéance donnée. Ainsi, sur le marché de référence, 1 lot de WTI (Light crude oil) représente 1000 barils de brut léger. Le contrat future (comme tous les contrats futures) a une date d’échéance, ce qui signifie que l’achat d’un contrat future donne droit à la livraison d’une quantité de pétrole après l’échéance.
En achetant un contrat Future call à échéance Mai 2020, un opérateur achète donc le droit d’acquérir un volume de pétrole à la date d’échéance. A l’échéance, l’opérateur a le choix entre se faire livrer la quantité achetée physiquement, il doit alors supporter le cout de livraison et de stockage ou alors il roule sa position sur le contrat suivant, c’est à dire qu’il clôt sa position pour la reporter sur l’échéance suivante. Certains produits dérivés permettent aussi de clôturer la position au prix d’expiration du contrat à l’échéance sans livraison du produit physique.
Lundi 20 avril au matin, le prix du WTI accuse déjà une forte baisse avec un prix au plus bas depuis l’émission du contrat à échéance mai (date de livraison). Le roll-over est rendu compliqué par une forte différence entre le prix du contrat mai, et le contrat suivant, ce phénomène est le contango. Habituellement, il n’y a que très peu de différence entre la fin du contrat en cours et le contrat suivant, mais ce jour, la différence est de l’ordre de 9$, ce qui veut dire qu’un acheteur de contrat call mai, doit payer 9$ de plus par lot pour prolonger sa position et encaisser une moins-value sur le contrat qui va expirer.
La livraison du produit physique est rendue difficile, car les capacités de stockage sont déjà pleines à cause de l’arrêt de l’activité mondiale du à la pandémie de coronavirus. Ainsi le location de certains espaces de stockage pour le pétrole ont été multiplié par 5. Sans possibilité de se faire livrer, un opérateur doit donc soit revendre son contrat future en direct ou à l’échéance pour rouler sa position sur l’échéance suivante.
Sans possibilité de se faire livrer, il y a donc un afflux de contrats à la vente d’investisseurs qui sont piégés et dont la seule issue est de prendre une perte soit en vendant en direct, soit en attendant l’échéance. Cet afflux commence à faire fortement baisser le contrat Mai par rapport aux autres échéances, ceux qui attendent l’échéance se rendent compte que le prix peut être bien plus bas, ce qui entraine encore une augmentation de l’offre à la vente et un emballement du phénomène, dans un contexte ou plus personne ne veut acheter.
Le prix devient donc négatif pendant quelques minutes, ce qui signifie que certains sont prêts à payer pour éviter de supporter le cout de la livraison et du stockage. Ce prix est effectivement artificiel, il ne correspond pas à un prix réel, il représente un déséquilibre profond dans la négociation de cet actif, ce qui peut présager d’autres secousses prochainement.