Avec un peu de retard sur le timing prévu nous vous proposons d’ouvrir la boîte de pandore que représente le rôle des agences de notation dans le capitalisme financier d’aujourd’hui.
Il y a un peu plus d’une semaine nous vous proposions d’étudier ce thème via un angle attaque précis, résumé au travers d’un titre un peu provocateur : « Les agences de notation, l’impossible mission … ».
Les agences de notation, l’impossible mission … mais de quoi parlons nous ? Il est vrai que notre titre pose d’emblée un sous-entendu éminemment polémique : parler de mission impossible n’est-il pas un tantinet extrême, à la limite du vulgaire populisme de bon nombre de nos politiques en France ? Pas si sûre …
Le rôle normalement entendu des agences de notation est d’évaluer le risque d’insolvabilité financière des différents acteurs qui régissent le jeu économique mondial. En d’autres termes elles se proposent d’apprécier via une méthodologie d’évaluation propre à chacune (j’insiste sur ce point qui se révèlera important pour la suite) la capacité de remboursement des dettes d’un emprunteur qu’il soit une entreprise, un Etat, une collectivité territoriale. Pour résumer et simplifier la chose, les agences de rating se proposent d’aider les investisseurs à déterminer le risque inhérent à une entreprise, un état ou autre …
Voila l’unique mission vertueuse des Fitch Ratings, Moody’s, Standard & Poor’s et de leurs petites sœurs bien moins connues, protéger les investisseurs face aux risques. Les agences de rating devraient donc, aux yeux du monde, représenter les anges blancs de la finance. La sacro-sainte puissance qui garantirait la solidité de tel ou tel actif. En définitive on devrait suivre aveuglement les notations émises par les agences de rating. A titre d’exemple en cette fin d’année 2001 nous aurions tous du croire dans la solidité financière de la fameuse compagnie américaine Enron, notée AAA pour résumer, à la veille de sa faillite retentissante.
Ironie, conditionnel … autant d’armes stylistiques pour souligner la première facette de l’impossible mission de ces organismes de rating. L’histoire nous a appris que l’échec leur collait fermement à la peau. Enron pour l’exemple, les Subprimes pour preuve, la Grèce en guise de fatalité et les autres pour confirmer le tout !
Faisons preuve de cohérence avec notre trame argumentative et avec notre titre aux relents racoleurs. La preuve de l’échec, il est vrai répété, des différentes agences de notation dans leur grande mission de prévention du risque financier est avérée dans leur structure actuelle. Entrer dans un moteur de recherche sur la toile la requête suivante : « Echec des agences de notation » et vous serez servi. Vous trouverez bien d’autres exemples que ceux évoqués ci-dessus si vous voulez vous convaincre encore un peu plus du bien-fondé de notre propos.
Mais qui dit échec dans un passé plus ou moins lointain ne dit pas forcément impossibilité de mener sa mission à bien. Cette phrase pleine de bon sens qui serait vérace pour bien des exemples ne tient pas quand on l’applique aux agences de notation. Et c’est là que tout devient intéressant …
Les agences de notation financière ont un rôle de conseil concernant l’évaluation des risques auprès des investisseurs comme nous l’avons vu un peu plus haut. Les 3 majors détiennent à elles-seules plus de 95% du marché de la notation à travers le monde. Elles se doivent d’incarner des entités protectrices insoupçonnables, crédibles aux yeux de tous et par-dessus tout allergiques à l’échec. En définitive tout l’édifice de la mission des agences de rating repose exclusivement sur la notion de confiance. Or ce dernier vacille inéluctablement quand on ose prononcer les mots « agences de notation » en sa présence.
La répétition de l’échec est un poison très virulent pour la confiance. Et il est fort à parier que le sang des agences de notation en est pleinement rempli. Qui plus est, le fonctionnement même des organismes de rating ajoute à la disparition irrémédiable de la notion de confiance. En effet les trois majors du rating sont englués dans un cercle concurrentiel sanglant. Et qui dit compétition, dit peur de l’adversaire. Ainsi que ce soit Fitch Ratings, Moody’s ou encore Standard & Poor’s, elles gardent toutes bien au secret leur méthode d’évaluation, cœur de leur business et cause de leurs profits. Cette opacité ambiante amplifie encore plus le sentiment de flou qui émane de ces organismes.
Alors pour faire simple … comment pourriez vous accorder une once de confiance à quelqu’un qui se présenterait devant vous avec un passif marqué du sceau de l’échec et qui vous dirait en prime : « je ne vous révélerai jamais mes tours de magie, c’est le cœur de mon business … sans cela ma mission ne tiendrait plus ! ». Vous ne pourriez pas.
Pour conclure l’équation est simple : plus les échecs se font sentir, plus le flou reste épais autour de leur méthode de travail, plus la confiance se perd. Or le capital confiance c’est un peu comme le fonctionnement d’un turbo warrant. Il arrive un moment ou le turbo se désactive et ou l’investisseur perd tout son capital investi. Il en va de même pour la confiance. Les agences de rating n’ont plus aucun capital confiance aux yeux des investisseurs. Or sans cela leur mission n’est plus possible. Il apparaît donc comme évident qu’à force d’expérimenter l’échec, les agences de notation perdent irrémédiablement la confiance que l’on pouvait leur accorder à leurs débuts. La temporalité faisant, l’impossibilité de leur mission de rating s’érige en certitude absolue pour une grande majorité des investisseurs. Ainsi le cercle est bouclé.
Ce premier article présente la première facette un peu factuelle de l’impossible mission des agences de notation. Le raisonnement mis en œuvre pour argumenter pourra apparaître comme primaire et un peu facile pour certains. Mais que ces derniers ne s’inquiètent pas. L’étude est loin d’être finie. Il reste bien des aspects à étudier et bien des arguments à présenter. Nous avons vu que l’échec répété avait amené les agences de rating à faire face à l’impossible mission qui est la leur … mais qu’en serait-il si ces dernières relevaient la tête et se mettaient en bonne marche pour évaluer de nouveau correctement le risque financier ? Nous verrons que même en changeant de présupposé, notre conclusion restera en l’état : impossible est leur mission …
Malavan