2) Créer une agence régionale de la dette dans l’Eurozone
Nous parlons d’une toute autre proposition que la précédente ici. Proposition qui irait plus dans le bon sens que la première sans toutefois parvenir à convaincre le plus candide des observateurs. Analysons le pourquoi d’une telle affirmation.
Les défenseurs de cette solution voudraient, en quelques mots, instaurer l’équivalent d’une agence de notation dans la zone euro. Agence de rating qui serait bien entendu rattachée à un organe de gouvernance européen. En d’autres termes le mal dénoncé ici vient du monde privé. Une entreprise privée ne peut, selon les défenseurs de cette proposition, noter les obligations d’Etat car elle n’a pas la légitimité pour le faire. L’argument apparait ici solide. En effet quelle est la légitimité, voire la crédibilité, d’une entreprise privée de noter un Etat ? Certes les obligations d’Etat restent des produits financiers. Mais le concept d’Etat ne peut être abordé de la même façon que celui du privé.
En fait l’estocade portée ici par bon nombre de dirigeants européens lors de la crise de la dette que nous connaissons aujourd’hui est double. Premièrement une entreprise, qui par définition appartient au monde du privé, n’a pas vocation à noter un Etat, qui toujours par définition est au dessus de la sphère privée. Deuxièmement, une entreprise privée a par définition des clients, des actionnaires … Sans ces derniers elle ne peut pas survivre ou vivre tout simplement. Or la notion de parties prenantes de l’entreprise amène irrémédiablement sur la table la notion d’intérêt privé. Vous l’aurez bien compris. Nombre de gouvernants de la zone euro mettent en cause l’intégrité des agences de notation en proclamant haut et fort qu’elles sont sous l’influence de leurs clients, actionnaires ou autres. En d’autres termes, une entreprise privée ne peut en aucun cas noter la solvabilité financière des Etats car elle serait assujettie à une pression marchande normalement incompatible avec le domaine public !
Les critiques reprises lors de ces dernières lignes ont un fond de vérité indéniable quant au constat de la situation. Toutefois la solution proposée pour y remédier apparait d’autant plus « malhonnête ». En quoi la création d’une agence de la notation strictement européenne résoudrait le problème ? Même réponse qu’avant … en rien.
Certes, les problèmes liés (et ils sont nombreux) au fait qu’une entreprise privée note de Etats seraient résolus. Les décisions de notation feraient figure de décision européenne. Plus de conflit d’intérêt ici … en êtes vous sûrs messieurs les gouvernants et régulateurs européens ? Nous non …
Prenons l’exemple de ce qui se rapproche le plus d’une agence de notation régionale telle que la prônent nombre de dirigeants européens : Dagong, agence chinoise de notation. Nous vous l’accordons. On a affaire ici à une entreprise privée. Toutefois elle est largement sous le contrôle du régime en place. Qu’est ce qu’il en résulte ? Des décisions de notation très vives et agressives envers les pays étrangers tels que les USA. En effet Dagong a été la première agence de rating à dégrader officiellement les Etats-Unis. En revanche pour tout ce qui concerne les notations dans la zone asiatique et notamment en Chine, une certaine clémence bien consentie règne.
Et oui vous l’aurez compris. Même si une agence européenne de notation ne serait certainement pas aussi contrôlée par les dirigeants européens que Dagong l’est par les dirigeants chinois, il y a fort à parier qu’elle aurait une vision bien plus douce vis-à-vis des notations des Etats de la zone euro. Une agence de notation européenne n’aurait certainement pas aussi vivement réagi concernant la situation grecque. Elle aurait probablement pris un peu plus de temps pour étudier le dossier et de ce fait laisser beaucoup plus de temps au gouvernant grec pour tenter de trouver une échappatoire. Toutefois on ne peut pas nier que la situation se serait empirée en Grèce comme nous l’avons connu. Au final le mal aurait été décelé bien plus tardivement. Les marches auraient réagi encore plus violemment car l’agence européenne de notation aurait fatalement dégradé la Grèce car la vérité même étouffée revient toujours au galop.
Nous avons parlé de malhonnêteté au début car il en va de la sorte. En effet comment peut-on dire que le système de la notation mondiale des Etats ne fonctionne pas car elle reposerait uniquement sur des acteurs privés et donc liés au principe de l’intérêt individuel ? Alors que la solution proposée par nos chers gouvernants de la zone euro tient du même principe. A savoir une sorte de nationalisme européen de la notation. Ne nous cachons pas derrière de faux-semblants. La création d’une agence européenne de la notation a été pensée dans le but de protéger les pays de la zone euro en proie à des difficultés économiques.
Rappelons nous que les agences de rating ne sont que des catalyseurs des crises financières et non des déclencheurs. Or gagner du temps face à la crise n’est que pure illusion. Taxer les agences de rating privées d’être sous influence américaine est une chose. Taxer une agence de notation européenne d’être sous influence des dirigeants européens n’en est point une autre. Tout le monde a constaté que la chère indépendance de la BCE a été rudement mise à mal lors de la crise car les dirigeants européens en ont décidé de la sorte.
Pour conclure, vous l’aurez bien compris nous ne sommes pas en accord avec ces deux solutions proposées par beaucoup et reprises dans les différents médias. Toutefois nous accordons beaucoup plus de crédits aux critiques formulées par certains dirigeants européens. A savoir que la notation des Etats ne peut être attribuée à des entreprises de notation privées pour les raisons que nous avons évoquées précédemment. Mais la proposition formulée concernant la création d’une agence régionale de notation ne peut être valable car elle se heurte à la même critique qui aurait dû lui donner la légitimité de sa création. Vous y voyez déjà un peu plus clair quant à notre idée sur la question et sur les débuts de solutions à y apporter. Le dernier article de cette série thématique se concentrera directement sur les propositions qui nous tiennent à cœur pour répondre à la problématique de ce sujet. Nous y détaillerons nos idées et prises de position pour défendre un organisme international de la notation au mode de fonctionnement plus transparent et cohérent.
Qu’on se le dise bien … laissons la notation du secteur privé au secteur privé … donnons la notation des Etats à un organisme légitime, sans passif marqué par le sceau de l’échec. Ne parlons pas de révolution … seulement d’un retour à la raison, retour qui marquerait les débuts d’une finance plus raisonnable.
Malavan